Un trajet de vie que je n’échangerais contre aucun autre.
Sélectionnée à l’âge de 17 ans par Bernard Lefort pour entrer à l’Ecole d’Art Lyrique de l’Opéra de Paris, ma chance a été d’y rencontrer, outre mon mari André Cognet, mon professeur Elisabeth Grümmer, une des plus brillantes représentantes de la grande école de chant allemande.
La première leçon de cette immense cantatrice fut de me faire comprendre que pour passer du don vocal à une conscience affinée et profonde de son instrument, il me fallait renoncer à une efficacité trop immédiate et donc à une volonté carriériste.
Le but, ô combien plus difficile et plus intime à poursuivre, était de mettre sans relâche et en renonçant à tout désir de notoriété, la connaissance de soi au seul service du respect de la voix.
Tout comme Maria Ivogün ( le professeur d’Elisabeth Grümmer qui avait renoncé à se battre contre sa rivale La Galli-Curci), Elisabeth Grûmmer a en effet toute sa vie lâché prise à un combat de notoriété avec sa collègue Elisabeth Schwarzkopf, beaucoup plus médiatisée qu’elle. L’efficacité de cette attitude fut pour moi lumineuse: A l’âge de 75 ans, Elisabeth donnait à ses élèves des exemples magiques d’une voix pure et fraîche, parfaitement préservée.
C’est cette sagesse que j’ai toujours tenté d’approcher, de cultiver et qui a sans cesse inspiré mes choix. Ne pas avoir forcement d’équipe sophistiquée autour de soi à part le partenaire de confiance qui partage le même chemin de recherche (dans mon cas mon mari et professeur), et vivre en artisan minutieux, sans autre volonté que de devenir meilleure en regard de soi même et de la maîtrise de son instrument. Autre joie inégalable, partager toutes ces recherches et les adapter, les affiner pour et avec les autres.
Sur ce chemin de vie, si l’on reçoit, quelque reconnaissance du public ou de la profession sans l’avoir recherchée, alors il est peut-être possible de croire que cela est peu mérité… Pour, là est la vraie récompense.
Notes techniques:
une tradition de souplesse et d’endurance
La recherche imposée par cette grande dame de l’école allemande fut stricte : ni airs, ni exposition publique avant d’avoir compris comment relâcher la musculature de la région laryngée et confirmé la liberté du larynx en regard de l’effort musculaire intense à fournir au niveau diaphragmatique.
De cette maîtrise dépend la flexibilité de la voix sur toute l’étendue de la tessiture, la capacité au pianissimo notamment dans l’aigu et le suraigu, la rondeur du timbre mais aussi, chose précieuse pour ces voix de cristal si fragiles que sont les instruments de soprano colorature, la longévité et la santé de la voix.
Elizabeth Vidal